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Les champs de bataille d'Andoche Praudel

De la photographie comme art des trophées

Publié le 26 novembre 2013 Mis à jour le 26 novembre 2013

Baldine Saint Girons - Éditions Manucius – 40, rue de Montmorency – 75 003 Paris

Que sont devenus nos champs de bataille ? L’histoire peut-elle s’inscrire dans le paysage et la photographie prise sur le site actuel à date anniversaire, est-elle susceptible d’accéder à un passé révolu ? Andoche Praudel nous le fait croire grâce à un protocole rigoureux qui respecte les données de la géographie et de la chronologie, ces « deux yeux de l’histoire ». Valmy, 20 septembre 1792. Mettre en résonance le lieu-dit et la date conduit à incorporer dans le passé un présent hypothétique. « Cela aura été » : le temps choisi n’est pas le passé simple, mais le futur antérieur et sa nécessité présomptive.

La photographie n’établit pas de certificats d’existence. Elle fabrique des « trophées » : des objets qui mettent en fuite et donnent la victoire (du grec tropaios) et, avant tout, des objets paradoxaux, puisqu’ils sont les emblèmes du vainqueur et du vaincu, du mort et du vif, de l’apparent et de l’inapparent. Armes et drapeaux, cadavres et prisonniers, idoles visibles et invisibles…, les trophées attestent la puissance de l’ennemi abattu, tout en renforçant la gloire des conquérants. Ainsi les trophées de guerre font-ils la grandeur ambiguë des cérémonies de triomphe ; et les trophées de chasse ne célèbrent pas seulement l’habileté des chasseurs, mais la beauté des victimes.

En somme, l’objet de la photographie est moins d’exhumer des restes ou de fixer des traces que d’élever ce qui disparaît au rang de « trophée » et de lui conférer un pouvoir inédit. Son génie propre est d’imposer une attitude nouvelle à l’égard des indices et de faire triompher une forme de témoignage original, dont la nécessité, proprement esthétique, passe par des yeux de chair. Sans fournir de preuves matérielles, la photographie réussit à rendre l’histoire vivante : elle nous force à réfléchir sur l’événement et sur les nouveaux partages qu’il instaure.
 
 
 

Mis à jour le 26 novembre 2013