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Beckett, les fictions brèves : Voir et dire.

Publié le 6 novembre 2009

Auteur : Llewellyn BROWN, Ed. Lettres modernes Minard, coll. « Bibliothèque des lettres modernes », n° 46

Dans les fictions brèves de Samuel Beckett, lumière et obscurité alternent et déterminent l'expérience des personnages. Tandis que ces derniers se trouvent souvent condamnés à l'obscurité, ce qu'ils parviennent à voir prend la forme d'une image lisse et stéréotypée, voire inhumaine et mortifiée.
Ce partage peut se comprendre comme une conséquence du trait qui structure ces textes sur le plan de l'écriture : une dissociation entre les dimensions de voir et dire qui se décline suivant les  deux propositions suivantes :
- d'un énoncé achevé, dont la ponctuation finale vient confirmer le sens, on affirme voir ce qu'il veut dire ;
- d'une phrase qui ne parvient pas à l'achèvement, qui est pur dire, on déclare qu'elle est obscure : on ne voit pas ce qu'elle signifie.
Une démarche orientée par le principe de vraisemblance nouerait ces propositions antithétiques ensemble au moyen d'une dialectique. Mais l'écriture fictionnelle de Beckett suit le chemin inverse, en consacrant leur divorce.
Toutefois, l'impossibilité de réconcilier ces deux registres témoigne de la fonction qu'ils conservent : celle de pallier la présence agissante d'un Vide innommable. L'œuvre de création, chez Beckett, est chargée de donner forme à cette dimension d'impossible, à la rendre enfin visible comme ce que l'auteur nomme l'« objet pur ».

Mis à jour le 06 novembre 2009